BON OU MAUVAIS PARTANT ?

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Dans les pactes d’associés, figurent très souvent des clauses, que la pratique appelle « good leaver » ou « bad leaver» (en français « bon » ou « mauvais partant »), mises en œuvre lorsqu’un associé dirigeant ou/et salarié veut ou doit partir. Le but de ces clauses est de récupérer la participation (les actions/parts) que détient celui qui s’en va.
Ces clauses sont en général des promesses de vente de ladite participation, consenties par le « partant » à ses co-associés. La clause doit contenir ensuite des éléments permettant de déterminer à quel prix se fera cette vente. C’est là que la notion de « good leaver » ou « bad leaver » est introduite.

En résumé, en cas de « bon partant » (par exemple objectifs atteints ou dépassés, graves problèmes de santé, retraite) le prix de cette vente pourra être déterminé à une valeur vénale sans décote, voire de façon avantageuse. En revanche lorsque l’associé dirigeant/salarié est un « bad leaver » (mauvais partant) (départ anticipé pour convenances personnelles, faute dans l’exercice de ses fonctions, responsabilité encourue, etc…), l’associé partant sera sanctionné par l’application d’une décote sur la valeur vénale de sa participation. Cette partie « Bad leaver » peut poser au moins deux difficultés l’une pratique et l’autre juridique :


  1. La mise en œuvre de la clause de « bad leaver » est souvent difficile et conflictuelle : il est rare que les faits soient clairs au point que l’associé concerné ne conteste pas la « sanction » infligée, surtout lorsqu’il est contraint de vendre à la valeur nominale…
  2. Si l’associé bénéficie d’un contrat de travail et que la clause l’obligeant à vendre sa participation stipule un prix différent selon le motif ou le mode de rupture cela pourrait éventuellement être considéré comme une sanction pécuniaire prohibée par le droit du travail.

 Ces clauses sont donc à rédiger avec précaution et il est notamment prudent de déconnecter départ et motif de départ. La Cour de Cassation (Cass Com 7 juin 2016 n°14-17.978) a effectivement admis la validité de ces clauses dès lors qu’elles s’appliquent dans tous les cas de départ, c’est à dire que le régime de la clause ne repose pas sur tel ou tel comportement (clairement ne fait notamment pas de différence entre un licenciement pour faute grave et un licenciement pour un autre motif disciplinaire ou non).

De plus lorsque le « bad leaver » est un dirigeant non salarié, on peut s’interroger sur l’efficacité d'une clause que l’on retrouve souvent dans les pactes et qui en visant « la faute grave au sens de la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation » utilise ainsi une notion dont les fondements reposent notamment sur le lien de subordination, auquel le dirigeant non salarié (notamment le Président de SAS) ne doit pas être soumis.

Enfin il ne faut pas perdre de vue que le prix de ces cessions promises doit dans tous les cas être déterminé ou au moins déterminable dès la date de conclusion de la promesse (ou du pacte qui la contient), que ce prix ne doit pas être potestatif c’est à dire ne doit pas dépendre du pouvoir de celui qui s’oblige (à noter que la potestativité ne sera pas opposée au dirigeant révoqué voir notamment Cass civ 1ère 6 décembre 2017 n°16-17.588) et qu’il doit pouvoir être fixé à partir d’éléments objectifs figurant à la convention.
Sur cette question de la recherche du caractère déterminé ou déterminable du prix, il faut rappeler qu’elle est une obligation faite au juge ; lors que cette recherche est infructueuse ou n’est pas menée, l’exécution forcée de la promesse ne pourra être ordonnée judiciairement comme rappelé à de nombreuses reprises par la cour de cassation (voir notamment Cass.Com. 21 septembre 2022 n°20-16.994 décision dans laquelle la Cour souligne que l’existence d’un plafonnement contractuel du prix ne dispense pas de devoir d’abord déterminer ce prix).
A noter également que le recours à l’expert pour effectuer cette détermination doit avoir été prévu par les parties, à défaut le juge ne pourra le nommer car cela serait ajouter à l’accord initial des parties qui demeure « la loi des parties » pilier du droit commun des contrats auxquels les pactes restent soumis.