Nouvelles précisions quant à l’appréciation du caractère disproportionné de l’engagement de la caution !

Civil - Sûretés
13/03/2018
La disproportion du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que celle-ci se trouve, lorsqu’elle le souscrit, dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus.
Alors qu’on pourrait croire avoir fait le tour de la question de la disproportion du cautionnement, celle-ci continue de faire couler beaucoup d’encre ; les juges dessinant des contours de plus en plus précis de l’appréciation de la disproportion.

Les faits étaient des plus classiques : Une banque consent un prêt de 500 000 € à la société X. Celui-ci est garanti, à concurrence de 260 000 €, par le cautionnement solidaire du gérant de la société. La société ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaire, la banque assigne en paiement la caution qui lui oppose la disproportion du cautionnement. La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 30 juin 2016, rejette la demande de la banque. Elle relève, en effet, qu’au regard d’une fiche de renseignement établie par la caution en vue de l’obtention d’un encours de trésorerie auprès de la banque, onze mois avant son engagement, celle-ci disposait d’un patrimoine d’environ 290 000 €. Elle en déduit que son engagement était manifestement disproportionné au jour de la souscription du cautionnement ; celui-ci étant pratiquement égal au montant de son patrimoine et ses revenus mensuels étant grevés du remboursement de cet encours de trésorerie et du solde d’un prêt immobilier.

La Chambre commerciale de la Haute juridiction, dans un arrêt du 28 février 2018, casse la décision d’appel. Au visa de l’article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L.343-4 du Code de la consommation, elle relève « qu’en se déterminant par de tels motifs impropres à établir la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit, laquelle suppose que la caution se trouve, lorsqu’elle le souscrit, dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

L’argument de la disproportion de l’engagement (prévu par l’article L. 332-1 du Code de la consommation) est fréquemment avancé par les cautions souhaitant se dérober à leur engagement et obtenir la déchéance de celui-ci. En effet, il peut être invoqué par toute caution (peu importe son caractère averti ou non, Cass. com., 10 juill. 2012, n° 11-16.355) et il constitue une défense au fond échappant à la prescription (Cass. 1re civ., 31 janvier 2018, n°16-24.092, publié au Bulletin, v. « La disproportion du cautionnement est une défense au fond échappant à la prescription », Actualités du droit, 21 févr. 2018). C’est pourquoi, la Haute juridiction tend à encadrer l’appréciation de la disproportion. Il est établi que l’appréciation de la disproportion par les juges s’effectue par une comparaison du montant de la dette garantie par la caution aux biens et revenus de celle-ci ; étant précisé que l’appréciation s’effectue au jour de l’engagement de la caution et que la preuve de la disproportion doit être rapportée par la caution, même si le créancier peut toujours prouver le retour à meilleure fortune de celle-ci (Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-28.164). En outre, la banque doit prendre en compte pour apprécier la disproportion de l’engagement, l’ensemble des biens, même ceux dépendant de la communauté (Cass. com., 19 sept. 2017, n°15-20.294, publié au Bulletin, RLDC 2018/156, n°6408, comm. Sérandour I.).

Dans cet arrêt, la Cour de cassation vient apporter une nouvelle pierre à l’édifice indiquant que la disproportion manifeste du cautionnement implique une impossibilité manifeste pour la caution de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus. Il ne suffit donc pas que l’engagement soit excessif eu égard aux revenus de la caution, il faut que la caution ne puisse pas faire face à ses obligations au jour de la souscription de son engagement. En l’espèce, les juges de la Haute juridiction ont considéré que la disproportion ne pouvait être retenue alors même que l’engagement de la caution grevait pratiquement son entier patrimoine (selon la fiche de renseignement, la caution disposait d’un patrimoine d’environ 290 000 € alors que son engagement s’élevait à 260 000 € et qu’elle était, par ailleurs, fortement endettée). Cette solution paraît sévère mais sonne comme un avertissement face aux cautions qui usent et abusent de l’arme de la disproportion.
 

 
Source : Actualités du droit