La semaine de la procédure civile

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
02/03/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en procédure civile, la semaine du 24 février 2020.
Suspicion légitime – partialité de la juridiction
« Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Versailles, 11 décembre 2018), que dans le cadre d’une instance en relevé d’une mesure d’interdiction de gérer prononcée à l’encontre de M. X, devant le tribunal de commerce de Nanterre, alors que l’affaire a été appelée à l’audience du 18 octobre 2018 et renvoyée à l’audience du 22 novembre 2018, M. X a déposé au greffe de la cour d’appel de Versailles, le 15 novembre 2018, une requête en suspicion légitime en faisant valoir que la présence de Maître Y et de son conseil à l’audience démontrait la partialité du tribunal de commerce ;
 
Le premier président, après avoir constaté que le conseil du requérant a déposé une requête en suspicion légitime auprès du greffe de la cour d’appel de Versailles le 15 novembre 2018, soit postérieurement à l’audience du 18 octobre 2018 du tribunal de commerce lors de laquelle les faits qui établiraient la partialité de cette juridiction se sont produits, a retenu à bon droit que faute d’avoir formé sa demande par déclaration consignée par procès-verbal lors de l’audience du 18 octobre, comme l’imposait l’article 344 du Code de procédure civile, celle-ci est irrecevable ».
Cass. 2ème civ. 27 févr. 2020, n° 18-26.083, P+B+I * 
 
Nouvelles prétentions – prescription des intérêts
« Selon l’arrêt attaqué (Douai, 12 avril 2018), M. et Mme X. ont, aux termes d’une convention de coopérateur, acquis auprès de la société civile de construction SCCC Le Blanc Marly II (la SCCC), une part de société donnant vocation à l’attribution d’un lot immobilier, constitué d’une maison avec garage, moyennant le paiement d’une certaine somme financée par des prêts consentis par la SCCC.
Par un arrêt irrévocable du 28 novembre 2007, une cour d’appel a condamné M. X. à payer à la SCCC la somme de 71 845,96 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 23 mai 2002 sur la somme de 63 520,46 euros et à compter du 7 avril 2004 pour le surplus.
Sur le fondement de cet arrêt, la SCCC a fait pratiquer une saisie-vente et une saisie-attribution de compte bancaire que M. X. a contesté devant un juge de l’exécution.
 
Vu l’article 564 du Code de procédure civile :
À peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Pour déclarer irrecevable la demande de M. X. tendant à voir déclarer prescrite la demande de paiement des intérêts échus antérieurement au 4 février 2011, l’arrêt retient que M. X. se prévaut pour la première fois en cause d’appel de la prescription des intérêts, alors qu’il n’avait pas formé cette demande devant le juge de l’exécution en application de l’article 564 du Code de procédure civile.
En se déterminant ainsi, tout en constatant que M. X. avait formé une demande relative à la prescription des intérêts, la cour d’appel, qui n’a pas examiné si les conditions du texte susvisé étaient réunies, a privé sa décision de base légale ».
Cass. 2ème civ. 27 févr. 2020, n° 18-19.367, P+B+I * 
 
Récusation et remplacement – technicien – partie à la récusation
« Constate la reprise de l’instance par Mme Y. agissant en sa qualité d’ayant droit de B. Z.
Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 15 mars 2018), dans un litige de construction opposant Mme Y, en sa qualité de tutrice de Mme Z., à Mme R., la société Piscine cévenole et la société Gable Insurance AG, un juge des référés a ordonné une expertise et désigné M. S. à fin d’y procéder.
Mme Y., ès qualités, a demandé la récusation et le remplacement de M. S.
 
Vu les articles 234 et 235 du Code de procédure civile :
Selon ces textes, les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges et si la récusation est admise, il est pourvu au remplacement du technicien par le juge qui l’a commis ou par le juge chargé du contrôle.
Après avoir rejeté la demande de récusation de M. S., l’arrêt, qui statue en présence de Mme R., la société Piscine cévenole et la société Gable Insurance AG, parties au litige principal, condamne Mme Y. à payer à Mme R. la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
En statuant ainsi, alors que seul le requérant à la récusation est partie à la procédure de récusation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 2ème civ. 27 févr. 2020, n° 18-24.066, P+B+I * 
 
Droit à un procès équitable – notification de conclusions – constitution ultérieure
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 2018), la société Carax a relevé appel du jugement d’un conseil de prud’hommes rendu dans une affaire l’opposant à Mme X., a remis au greffe ses conclusions le 30 juin 2017 et les a notifiées concomitamment à M. Y., qui était l’avocat de Mme X. devant le conseil de prud’hommes.
Mme X. a constitué M. Y, le 30 août 2017, puis soulevé un incident de caducité devant le conseiller de la mise en état. La société Carax a déféré à la cour d’appel l’ordonnance de ce conseiller constatant la caducité de sa déclaration d’appel.
 
En application de l’article 911 du Code de procédure civile, sous les sanctions prévues par les articles 908 à 910 de ce Code, les conclusions sont signifiées aux parties qui n’ont pas constitué avocat dans le mois suivant l’expiration du délai de leur remise au greffe de la cour d’appel ; cependant, si entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
L’appelant est mis en mesure de respecter cette exigence dès lors qu’il doit procéder à la signification de ses conclusions à l’intimé lui-même, sauf s’il a, préalablement à cette signification, été informé, par voie de notification entre avocats, de la constitution d’un avocat par l’intimé.
La notification de conclusions à un avocat qui n’a pas été préalablement constitué dans l’instance d’appel est entachée d’une irrégularité de fond et ne répond pas à l’objectif légitime poursuivi par le texte, qui n’est pas seulement d’imposer à l’appelant de conclure avec célérité, mais aussi de garantir l’efficacité de la procédure et les droits de la défense, en mettant l’intimé en mesure de disposer de la totalité du temps imparti par l’article 909 du Code de procédure civile pour conclure à son tour. Il en découle que la constitution ultérieure par l’intimé de l’avocat qui avait été destinataire des conclusions de l’appelant n’est pas de nature à remédier à cette irrégularité.
Ayant, d’une part, relevé que l’appelante n’avait notifié ses conclusions dans le délai prévu par l’article 911 du Code de procédure civile qu’à l’avocat qui avait assisté l’intimé en première instance et que l’appelante ne pouvait ignorer qu’elle n’avait pas reçu l’avis de constitution de son adversaire dans le cadre de l’instance devant la cour d’appel, faisant ainsi ressortir par cette considération que l’appelante ne s’était heurtée à aucun événement insurmontable, caractérisant un cas de force majeure, et, d’autre part, exactement retenu qu’il importait peu que l’intimé ait, postérieurement à la notification des conclusions, constitué l’avocat qui en avait été destinataire, c’est à bon droit, sans méconnaître les exigences du droit à un procès équitable, que la cour d’appel a constaté la caducité de la déclaration d’appel ».
Cass. 2ème civ. 27 févr. 2020, n° 19-10.849, P+B+I * 
 
Opposition – représentation obligatoire
« Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 12 juin 2018), le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Balcon de Villard (le syndicat des copropriétaires) a relevé appel du jugement d’un tribunal de grande instance qui, saisi par la Société financière Vendôme, avait prononcé la nullité d’une assemblée générale de la copropriété et rejeté une demande reconventionnelle du syndicat des copropriétaires.
La cour d’appel, par un arrêt du 14 juin 2016 mentionnant être rendu par défaut, a infirmé ce jugement, rejeté la demande de nullité de l’assemblée générale et condamné la Société financière Vendôme à payer au syndicat des copropriétaires une certaine somme au titre de charges de copropriété.
La Société financière Vendôme a formé une opposition contre cet arrêt.
 
L’opposition formée contre l’arrêt d’une cour d’appel rendu suivant une procédure avec représentation obligatoire, qui reprend l’instance ayant abouti à cet arrêt, n’introduit pas un appel, de sorte que l’article 908 du Code de procédure civile n’est pas applicable à l’opposant, qui n’a pas la qualité d’appelant ».
Cass. 2ème civ. 27 févr. 2020, n° 19-10.233, P+B+I * 
 
Acte de surenchère – annulation
« Vu l’article 884 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;
Toute personne peut, dans les dix jours qui suivent l’adjudication, faire une surenchère, pourvu qu’elle soit du dixième au moins du prix principal de la vente, que cette surenchère ne peut être rétractée, que cette déclaration, qui doit être faite par un avocat inscrit au barreau de Papeete, n’est pas reçue après l’heure fixée pour la fermeture du greffe ; que ni ce texte, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’impose, en Polynésie française, au surenchérisseur de procéder à la consignation d’une partie du prix de vente ;
Selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, et les productions, que sur des poursuites de saisie immobilière engagées à l’encontre de la société Te Moemoea par M. Z., le bien immobilier saisi a été adjugé à ce dernier ; que M. et Mme Y. ont formé une déclaration de surenchère qui a été contestée par M. Z. ;
Pour annuler l’acte de surenchère, le jugement, après avoir relevé qu’il n’était pas contesté que M. et Mme Y. avaient consigné la somme de 1 100 000 francs CFP et que cette somme ne constituait pas le dixième du prix principal de la vente, en l’espèce 1 155 000 francs CFP, retient qu’en droit, l’obligation prévue par l’article 884 du Code de procédure civile de la Polynésie française est claire, précise et proportionnée aux objectifs poursuivis à l’occasion d’une procédure de saisie immobilière, notamment l’efficacité de l’adjudication et le respect des droits des parties et des enchérisseurs, et que sa méconnaissance ne peut être autrement sanctionnée que par l’annulation de la requête de surenchère ».
Cass. 2ème civ. 27 févr. 2020, n° 18-18.625, P+B+I * 

Saisie immobilière - conclusion ou reconduction tacite d'un bail - opposabilité 
« Vu l’article L. 321-4 du Code des procédures civiles d’exécution ; 
Selon l’arrêt attaqué, qu’un bien appartenant à la société Claridge, loué à M. et Mme X selon bail du 15 septembre 2008, à effet au 1 septembre er 2008, a été adjugé le 16 septembre 2014, à la société Bestin Realty, créancier poursuivant, faute d’enchère ; que le jugement d’adjudication, rejetant une contestation de M. et Mme X, a relevé que le procès-verbal de description et le « procès-verbal d’apposition de placard » mentionnaient que le bien faisait l’objet d’un bail ; que le 6 décembre 2014, cette société a fait délivrer à M. et Mme X et à la société Claridge un commandement de quitter les lieux et que le 8 juillet 2015, un huissier de justice a procédé à leur expulsion en présence de la force publique ; que la société Claridge et M. et Mme X ont saisi un juge de l’exécution afin de voir annuler les opérations d’expulsion ;
Pour juger que M. et Mme X n’avaient aucun droit propre à opposer à la société Bestin Realty lors de l’expulsion de la société Claridge et ordonner la vente des biens inventoriés dans le procès-verbal d’expulsion, l’arrêt retient que le contrat de bail venu à expiration au 31 août 2014 n’avait pu se reconduire tacitement du fait de la saisie opérée par la société Bestin Realty sur l’immeuble suivant commandement du 4 mars 2013 ;
En statuant ainsi, alors que la délivrance d’un commandement valant saisie immobilière n’interdit pas la conclusion d’un bail ou la reconduction tacite d’un bail antérieurement conclu, et que le bail, même conclu après la publication d’un tel commandement est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance avant l’adjudication, la cour d’appel a violé le texte susvisé
 ».
Cass. 2ème civ., 27 févr. 2020, n° 18-19.174, P+B+I * 

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 2 avril 2020
 
Source : Actualités du droit