Cour de cassation : quels inédits retenir cette semaine ?

Social - Formation, emploi et restructurations, IRP et relations collectives, Contrat de travail et relations individuelles, Santé, sécurité et temps de travail
17/01/2020
Les arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation à retenir parmi les non publiés du fonds de concours de la semaine du 13 janvier 2020.
Capacité civile des syndicats professionnels : il faut distinguer préjudice collectif et préjudice individuel
 
Selon l'article L. 2132-3 du Code du travail, les syndicats peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. Ce préjudice est distinct du préjudice individuel qui peut être subi par les salariés.
Dans cette affaire, pour rejeter la demande du syndicat, les arrêts retiennent que son action apparaît mal fondée dans la mesure où les salariés sont intégralement déboutés de leurs prétentions. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait relevé que l'employeur n'avait pas respecté les dispositions conventionnelles relatives à la durée du travail et au repos hebdomadaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-17.642 F-D
 
Obligation de reclassement : elle ne s’étend pas aux entreprises exerçant dans le même secteur d'activité
 
L'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur préalablement à un licenciement pour motif économique ne s'étend pas, sauf disposition conventionnelle le prévoyant, à d'autres entreprises qui ne relèvent pas d'un même groupe. Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-14.373 F-D
 
La résiliation judiciaire ne peut être prononcée aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave : nouvelle illustration
 
Ayant relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que le délai entre le transfert du contrat de travail et la définition précise de la mission commerciale avait été trop long, que l'employeur avait mis à disposition du salarié pour l'exercice de ses fonctions des moyens défaillants et refusé de traiter une affaire apportée par celui-ci, la cour d'appel, qui a fait ressortir que les manquements de l'employeur avaient empêché la poursuite du contrat de travail, a pu en déduire qu'ils étaient suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire dudit contrat. Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-17.966 F-D
 
Accords collectifs : attention à la discrimination en raison de l’état de santé
 
Si un accord collectif peut tenir compte des absences, même motivées par la maladie, pour le paiement d'une prime, c'est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution.
Ayant relevé que l'article 27 de la convention collective concernait essentiellement les absences pour cause de maladie, celles-ci entraînant la suppression de la prime mensuelle d'assiduité dès que l'absence dépassait deux jours consécutifs et que l'article 28 prévoyait des hypothèses très variées d'absences n'entraînant pas la suppression de la prime d'assiduité qui ne pouvaient être assimilées à du temps de travail effectif, sans qu'existent des motifs d'ordre professionnel, la cour d'appel a exactement décidé que cette différence de traitement liée à des absences pour maladie constituait une discrimination en raison de l'état de santé. Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-17.553 F-D
 
Les conséquences d’une grève peuvent être constitutives d’un risque grave
 
Appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, le président du tribunal de grande instance qui a relevé, d’une part qu’il était fait état par le CHSCT, depuis le 16 octobre 2017, d'une surcharge de travail des agents non-grévistes et encadrants, de stress, d'anxiété, de fatigue physique et morale, de pression psychologique et de harcèlement sur les agents non-grévistes et l'encadrement, d’arrêts maladie des agents grévistes et d'un risque psychosocial très élevé, puis d’une souffrance éthique due à l'impossibilité de respecter les délais d'acheminement des produits sanguins en période de sous-effectif ou en périodes récurrentes de trafic important sur les trajets, éléments confortés par une pétition, fût-elle non datée, d’autre part que les actions entreprises par le centre hospitalier pour améliorer les conditions de travail des agents se heurtaient à la tension existante entre grévistes et non-grévistes, a pu en déduire l'existence d'un risque grave, identifié et actuel. Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-19.279 F-D
 
Convention collective : la convention collective applicable aux salariés est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur, sauf…
 
La convention collective applicable aux salariés est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. Le salarié ne peut renoncer à cette application dans son contrat de travail, sauf disposition contractuelle plus favorable. Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-20.591 F-D
 
Le salarié qui relate des faits qualifiés par lui de harcèlement moral ou de discrimination ne peut être mis à la retraite d’office pour ce motif
 
Pour débouter le salarié de sa demande de nullité de sa mise à la retraite d’office, l’arrêt retient que les demandes fondées sur le harcèlement moral et la discrimination raciale ayant été rejetées, le moyen de nullité tiré de ce que la rupture du contrat de travail est intervenue en méconnaissance des dispositions d’ordre public sur le harcèlement et à la suite de la dénonciation de faits constitutifs d’une discrimination raciale n’est pas fondé. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si certains des comportements retenus comme justifiant la mise à la retraite d’office du salarié (courriers et courriels adressés par le salarié à son directeur les 5 janvier et 3 février 2015, à son responsable d’équipe le 26 janvier 2015, au responsable d’équipe d’un autre site le 21 janvier 2015, courriel critique adressé à l’adjointe au chef de l’agence raccordement le 6 janvier 2015) ne constituaient pas, eu égard à la mention expresse de « mise en demeure pour harcèlement moral », la dénonciation d’agissements de harcèlement moral et sans se prononcer dans l’affirmative sur la mauvaise foi du salarié lorsqu'il avait dénoncé ces faits, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-3, L. 1132-4, L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail. Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-21.355 F-D
 
Harcèlement moral : nouvelle illustration
 
Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des faits de harcèlement moral, l'arrêt retient que la salariée prétend avoir fait l'objet d'un harcèlement moral se matérialisant par l'avertissement injustifié du 27 juin 2014 et le retrait des fonctions, que ces éléments laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, que le retrait des fonctions est justifié par des éléments objectifs, que seule la notification d'un avertissement injustifié peut être reprochée à l'employeur, que ce fait, qui reste isolé, ne peut donc constituer un harcèlement moral.
En se déterminant ainsi, sans examiner l'ensemble des éléments invoqués par la salariée au titre du harcèlement moral alors que la salariée faisait également valoir dans ses conclusions que le responsable projet avait mis en cause la véracité de son arrêt maladie, avait estimé qu'elle voulait ennuyer ses collègues, que l'organisation avait été modifiée de façon spécifique pour la soumettre à trois supérieurs hiérarchiques, que, de façon humiliante, ses tâches étaient inscrites au jour le jour sur un tableau accessible à tous, que, lorsqu'elle s'est présentée sur son lieu de travail le 18 novembre 2014, tout son matériel et notamment son ordinateur avait été retiré de son bureau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article L. 1152-1 du Code du travail et l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction applicable en la cause. Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-22.055 F-D
 
Quid de l’information effective de chacun des salariés pour le compte desquels un syndicat prétend agir ?
 
Il résulte de l’article L. 2262-9 du Code du travail qu’un syndicat ayant la capacité d’agir en justice, dont les membres sont liés par une convention ou un accord, peut exercer toutes les actions en justice qui en résultent en faveur de ses membres, sans avoir à justifier d’un mandat des intéressés, pourvu que ceux-ci aient été avertis et n’aient pas déclaré s’y opposer. Ce texte ne soumet à aucune forme particulière l’information des adhérents. Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-21.699 F-D
 
Autorisation de licenciement d’un salarié protégé pour inaptitude devenu définitive sur une résiliation judiciaire : quel juge est compétent ?
 
Si l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, donnée par l'inspecteur du travail et motivée par l'inaptitude, ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement de l'autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur. Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 17-27.940 F-D
 
Source : Actualités du droit