La semaine du droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
08/04/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des entreprises en difficulté, la semaine du 1er avril 2019.
Ouverture de procédure collective – constitution de gage-espèces postérieure – absence de garantie de créance antérieure
« (…) le gage-espèces constitué postérieurement à l’ouverture de la procédure collective ne pouvait avoir pour objet de garantir, au mépris de l’égalité entre créanciers, une créance antérieure »
Cass. com., 3 avr. 2019, n° 18-11.281, P+B*
 
Infraction pénale commise avant le jugement d’ouverture de la procédure collective de l’auteur – créance d’une partie civile née de cette infraction
« (…) s’il résulte de l’article L. 622-24, alinéa 6, du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008, que lorsqu’une infraction pénale a été commise avant le jugement d’ouverture de la procédure collective de l’auteur, le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées de cette infraction court à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant, si cette décision intervient après la publication du jugement d’ouverture, la créance de dommages-intérêts d’une partie civile destinée à réparer le préjudice causé par une infraction pénale naît à la date de la réalisation du dommage ;
(…) l’arrêt retient exactement que la créance de dommages-intérêts des consorts X destinée à réparer le préjudice causé par l’infraction d’escroquerie au jugement du 23 septembre 2014 était née à cette date, soit antérieurement au jugement d’ouverture de la sauvegarde de la société Y du 5 novembre 2014, et en déduit à bon droit (…) que toute mesure d’exécution ou conservatoire de la part des créanciers contre la société Y concernant cette créance était interdite par l’article L. 622-21 du Code de commerce, l’adoption du plan de sauvegarde n’ayant pas pour effet de mettre fin à cette prohibition »
« Vu l’article 455 du Code de procédure civile ;
(…) pour ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire, l’arrêt retient que la créance indemnitaire invoquée par les consorts X a une origine délictuelle, à savoir les faits d’escroquerie au jugement ayant permis selon eux à la société Y d’obtenir leur condamnation à restituer le prix de cession des parts sociales, et que l’origine de cette créance remonte à la date de commission des infractions à l’origine de l’obligation de restituer, soit avant l’ouverture de la procédure collective de la société Y ;
(…) en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des consorts X qui invoquaient aussi une créance de dommages-intérêts née d’infractions de blanchiment commises par la société Y, à l’occasion de procédures d’exécution de l’arrêt du 23 septembre 2014 mises en œuvre depuis le 27 novembre 2014, y compris après le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde, et qui soutenaient que le recouvrement de cette créance, postérieure au plan de sauvegarde, était susceptible d’échapper à l’interdiction de toute mesure d’exécution ou conservatoire prévue par l’article L. 622-21, II du Code de commerce, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé »
Cass. com., 3 avr. 2019, n° 18-10.645, P+B*
 
Ouverture d’une liquidation judiciaire – conditions d’interruption d’une instance en cours
« Vu l’article 371 du Code de procédure civile ;
(…) il résulte de ce texte qu’une instance en cours n'est pas interrompue par l'effet du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur, dès lors que ce jugement est prononcé postérieurement à l'ouverture des débats devant le juge du fond saisi de cette instance ;
(…) pour rejeter la requête en revendication déposée par la société X (…), l’arrêt retient, par motifs adoptés, que la décision du juge de l’exécution de Schiltigheim du 8 octobre 2013 est intervenue postérieurement au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la société Y du 23 septembre 2013, et que, le liquidateur de cette dernière n’ayant pas confirmé ce jugement, celui-ci doit être considéré comme non avenu, en application des articles 369 et 372 du Code de procédure civile ;
(…) en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le jugement de liquidation judiciaire du 23 septembre 2013 avait été rendu après l’ouverture des débats devant le juge de l’exécution, dès lors que, si tel avait été le cas, ce jugement n’aurait pas eu d’effet interruptif de l’instance introduite devant ce juge et la décision de celui-ci, du 8 octobre 2013, à laquelle la société Y était partie et qui avait reconnu le droit de propriété de la société X sur le véhicule (…), aurait été opposable au liquidateur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »
Cass. com., 3 avr. 2019, n° 17-27.529, P+B*

Demande en paiement d’un débiteur en procédure collective – opposition de la compensation avec les créances déclarées
« Vu l’article 1289 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et l’article L. 622-7, I, du Code de commerce ;
(…) lorsqu’un créancier invoque la compensation d’une créance antérieure connexe déclarée pour s’opposer à la demande en paiement formée contre lui par un débiteur en procédure collective, le juge du fond saisi de cette demande doit d’abord se prononcer sur le caractère vraisemblable ou non de la créance ainsi invoquée, et, dans l’affirmative, ne peut qu’admettre le principe de la compensation et ordonner celle-ci à concurrence du montant de la créance à fixer par le juge-commissaire, sans que le créancier n’ait à prouver que sa créance a été admise à ce stade »
Cass. com., 3 avr. 2019, n° 17-28.463, P+B*
 
Saisie immobilière – recours contre l’ordonnance du juge-commissaire
« (…) il résulte de l'article R. 642-37-1 du Code de commerce que le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 du même code est formé devant la cour d'appel ; (…) ce recours est ouvert aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions ; (…) la société X, en sa qualité de prétendue propriétaire de l’immeuble dont la cession a été ordonnée sur le fondement de l'article L. 642-18 précité, par l'ordonnance du 8 juin 2016, disposait du recours devant la cour d'appel prévu par l'article R. 642-37-1 précité, de sorte que la voie de la tierce opposition devant le juge-commissaire, contre cette ordonnance, lui était fermée »
Cass. com., 3 avr. 2019, n° 17-28.954, P+B*
 
Cour d’appel – fixation de la date de cessation des paiements
« (…) l’arrêt relève que la société bénéficiait de recettes propres correspondant à des facturations de prestations de services à ses filiales, lesquelles ont fait défaut à partir de l’exercice 2012, ces sociétés étant presque toutes en procédure collective ;
(…) analysant le rapport d’expertise il retient que les investigations menées sur la période postérieure au 1er janvier 2012 n’ont pas permis de caractériser un actif disponible concomitant aux non-paiements constatés ;
(…) par ces constatations et appréciations, la cour d’appel (…) a légalement justifié sa décision de fixer la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, au regard de l’absence d’actif disponible qu’elle caractérisait à la date retenue et du passif exigible non contesté, à cette même date »
Cass. com., 3 avr. 2019, n° 17-28.359, P+B*
 
Prêt consenti à un débiteur après l'ouverture de sa procédure collective – action en remboursement du prêt – compétence juridictionnelle
« Vu l'article 174 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, applicable en la cause ;
(…) l'action d'une banque, tendant au remboursement d'un prêt consenti à un débiteur après l'ouverture de sa procédure collective, n'est pas née de cette procédure et que la circonstance que le juge soit amené, pour trancher la contestation, à faire application des règles du droit des procédures collectives pour déterminer les conséquences à tirer du dessaisissement du débiteur, ne suffit pas à la soumettre à l'influence juridique de la procédure collective et dès lors à faire échapper à la compétence du juge du droit commun une action qui, en dehors de toute procédure collective, relève de sa compétence »
Cass. com., 3 avr. 2019, n° 18-10.469, P+B*

Bien non revendiqué par son propriétaire – inopposabilité à la procédure collective – caractérisation de l’atteinte disproportionnée au droit de propriété
« Vu l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 624-9 du Code de commerce ;
(…) la sanction de l’absence de revendication par le propriétaire d'un bien dans le délai prévu par l'article L. 624-9 du Code de commerce ne consiste pas à transférer ce bien non revendiqué dans le patrimoine du débiteur mais à rendre le droit de propriété sur ce bien inopposable à la procédure collective, ce qui a pour effet d’affecter le bien au gage commun des créanciers, permettant ainsi, en tant que de besoin, sa réalisation au profit de leur collectivité ou son utilisation en vue du redressement de l’entreprise, afin d’assurer la poursuite de l’activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ; (…) s’il en résulte une restriction aux conditions d’exercice du droit de propriété de celui qui s’est abstenu de revendiquer son bien, cette atteinte est prévue par la loi et se justifie par un motif d’intérêt général, dès lors que l'encadrement de la revendication a pour but de déterminer rapidement et avec certitude les actifs susceptibles d’être appréhendés par la procédure collective afin qu’il soit statué, dans un délai raisonnable, sur l’issue de celle-ci dans l'intérêt de tous ; (…) ne constitue pas, en conséquence, une charge excessive pour le propriétaire l'obligation de se plier à la discipline collective générale inhérente à toute procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires, en faisant connaître sa position quant au sort de son bien, dans les conditions prévues par la loi et en jouissant des garanties procédurales qu'elle lui assure quant à la possibilité d'agir en revendication dans un délai de forclusion de courte durée mais qui ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir ;
(…) pour dire que l'application des dispositions de l'article L. 624-9 du Code de commerce au contrat de location litigieux constitue une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété de la société X, écarter l'application de ces dispositions au litige et rejeter la demande de restitution de la pelle hydraulique présentée par le liquidateur, l’arrêt retient qu’au cas d’espèce, l’inopposabilité du droit de propriété aux organes de la procédure collective porte une atteinte au droit de propriété du bailleur puisque celui-ci se retrouve définitivement privé du droit de jouir et de disposer de sa chose par la réalisation des actifs au stade de la liquidation, qu’il est établi qu’en avril 2014, la grue louée s’est retrouvée immergée dans un étang, ce qui a dégradé le moteur, et que le mandataire judiciaire ne justifie d’aucune démarche faite pour extraire le bien loué de l’étang et pour le réparer ; (…) il retient encore que les objectifs de permettre la sauvegarde de l’entreprise et le maintien de l’activité et de l’emploi ne sauraient justifier l’atteinte au droit de propriété du bailleur, que le seul objectif de permettre l’apurement du passif ne saurait constituer une cause d’utilité publique cependant qu’il est constant que le bien litigieux n’a pas été mentionné par le débiteur à l’inventaire prévu aux articles L. 622-6 et R. 622-4 du Code commerce ; (…) il retient enfin que l’application des dispositions de l’article L. 624-9 du même code constituant une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété de la société X, celle-ci a pu valablement reprendre possession de son bien et que la demande de restitution formulée par le liquidateur, fondée exclusivement sur ces dispositions, doit être rejetée ;
(…) en statuant ainsi, par des motifs ne caractérisant pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la société X, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
Cass. com., 3 avr. 2019, n° 18-11.247, P+B+R*

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 8 mai 2019.
Source : Actualités du droit