Contentieux de l’incapacité : la mention de la juridiction territorialement incompétente fait obstacle au prononcé de la forclusion

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
30/01/2018
Par un arrêt cette fois à paraître au Bulletin, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure sur l’absence d’effet de la notification désignant un tribunal du contentieux de l'incapacité territorialement incompétent.
À la suite d’un accident de travail, un salarié est déclaré en incapacité de travail permanente partielle. Le taux de rente est notifié par la Caisse primaire d’assurance maladie à la société employeur, par lettre recommandée du 13 janvier 2012, avec demande d’avis de réception. L’accusé de réception a été signé par la société le 17 janvier 2012. Cette dernière forme un recours le 16 octobre 2012.
Par un arrêt confirmatif du 28 octobre 2016, la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail déclare le recours irrecevable comme forclos. Elle relève que la société reproche à la caisse de ne pas avoir mentionné, dans la notification de sa décision, le tribunal du contentieux de l’incapacité territorialement compétent, mais qu’elle n’a pas, pour autant, saisi dans les délais le tribunal du contentieux de l’incapacité désigné.
Or, la décision de la caisse, assortie de la mention des délais et voies de recours, a été régulièrement notifiée et nonobstant les mentions relatives aux voies et délais de recours indiqués sur cette décision, le recours devant le tribunal du contentieux de l’incapacité n’a été formé qu’après le délai de deux mois prévu à l’article R. 143-7 du Code de la sécurité sociale. La société devait donc être considérée comme forclose et son recours, irrecevable.

Mais, comme l’énonce la Cour de cassation au visa de l’article R. 143-31 du Code de la sécurité sociale, la forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si la notification de la décision contre laquelle ils forment ou interjettent appel porte mention du délai de forclusion avec indication de l'organisme compétent pour recevoir la requête. Le tribunal du contentieux de l'incapacité compétent est celui du lieu où demeure le demandeur (CSS, art. R. 143-3). La cassation était donc encourue en l’espèce pour violation de la loi, puisque « la notification faite à l'employeur du taux d'incapacité permanente partielle de son salarié, victime d’un accident du travail, désignait une juridiction incompétente pour connaître de sa contestation, de sorte qu'elle n'avait pas pu faire courir le délai de recours ».

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation procède donc, à nouveau, à une interprétation rigoureuse des textes, en adoptant une logique soucieuse de l’effectivité du droit au juge (voir déjà notamment Cass. 2e civ., 21 sept. 2017, n° 16-22.209 ; Cass. 2e civ., 21 sept. 2017, n° 16-21.344). On rappellera que l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré qu’en application de l’article 680 du Code de procédure civile, la notification d’une décision qui ne comporte pas toutes les mentions utiles quant à la nature et aux modalités de la voie de recours, ne fait pas courir le délai pour agir (Cass. ass. plén., 8 avr. 2016, n° 14-18.821, P+B+R+I). Spécifiquement, en application des dispositions précitées du Code de la sécurité sociale, il en est également ainsi de la mention erronée de la juridiction compétente pour connaître du recours en matière d’incapacité.

Pour autant, puisque la procédure devant le tribunal du contentieux de l'incapacité est régie par les dispositions du Livre Ier du Code de procédure civile (CSS, art. R. 143-6), on observera à la suite des juges du fond, que la société appelante aurait effectivement pu/dû, dans le cadre de son recours, soulever une exception d’incompétence territoriale. S’il est donc permis, d’un côté, de se féliciter de la protection renforcée des droits de la défense, il est également possible de regretter un formalisme excessif de la loi en la matière, permettant à la partie adverse de bénéficier d’une erreur, alors même qu’elle dispose d’autres moyens de droit pour s’en prévaloir. Et si, finalement, la suppression des exceptions d’incompétence était une bonne idée ? (comp. Agostini f., Molfessis N., Amélioration et simplification de la procédure civile, Chantiers de la justice, Rapp. au garde des Sceaux, 15 janv . 2017 ; Dorange A., Chantiers de la Justice et procédure civile : les schémas de la première instance au feu et le CPC au milieu ?, Actualités du droit, 19 janv. 2017).
Source : Actualités du droit