Qui veut sauver la peau des tarifs réglementés de l’énergie ?

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13/12/2017
Alors que le Médiateur national de l’énergie venait à peine de célébrer son dixième anniversaire marquant le jalon de 10 années d’ouverture à la concurrence du marché, la décision ANODE du 19 juillet dernier est venue ouvrir une ultime brèche dans le dispositif cher à la France des tarifs réglementés de vente (TRV). C’est en l’occurrence le gaz naturel que visait ce nouvel assaut des opérateurs alternatifs qui ont obtenu une victoire symbolique mais dont l’impact reste encore à évaluer. C’est à cet exercice que le fervent défenseur des TRV, Jean Gaubert, a accepté de se livrer.
Revue Lamy de la concurrence : Mis en place il y a soixante-dix ans pour réguler un monopole dans l’objectif de garantir l’accessibilité du gaz naturel aux consommateurs, les tarifs réglementés ont malgré tout survécu à la libéralisation du marché. Comment expliquer que ce système soit passé toutes ces années entre les mailles de Bruxelles alors même que le gaz naturel n’est plus reconnu par la loi comme un bien de première nécessité ?

Jean Gaubert : Premier élément : il faut rappeler que pour le gaz, la première directive date de 1998. Bruxelles s’est d’abord attaquée à une première urgence : la séparation entre opérateurs de fourniture et opérateurs de réseau (le distributeur de gaz, en l’occurrence GRDF, et les « transporteurs » qui ont les « autoroutes »). L’entreprise verticalement intégrée qu’était GDF devait donc laisser la place d’un côté à des opérateurs de réseaux exerçant en monopole, et de l’autre à un opérateur chargé de la commercialisation du gaz naturel, avec chez ce dernier une séparation juridique entre la direction qui gère l’activité commerciale (prix de marché) et la branche qui assure la fourniture du gaz aux tarifs réglementés de vente (TRV). 

Deuxième élément : en 2002, la ministre déléguée à l’Industrie, Nicole Fontaine, a donné des gages à Bruxelles de la libéralisation du marché suivant un calendrier qui restait à définir.

Mais la difficulté dans le contexte français a toujours résidé dans l’omniprésence de deux puissants opérateurs (GDF/Engie et EDF) qui continuent d’avoir chez nos concitoyens une notoriété très forte, qui s’appuie aussi sur les services des tarifs réglementés. La capacité des petits opérateurs à émerger dans une telle configuration ne pouvait relever que de la gageure. Et ce d’autant que le début de l’ouverture à la concurrence concernant le marché du gaz distribué aux particuliers s’est faite concomitamment à une augmentation des prix de la matière première. Les concurrents offraient par conséquent du gaz à des tarifs élevés jusqu’en 2012. 

RLC : Comment sont fixés les tarifs réglementés ? Quels opérateurs sont concernés ?

J. G. : En bref, les tarifs réglementés sont définis par les pouvoirs publics et non par le jeu de l’offre et de la demande. Vous avez trois composantes du prix de l’énergie : la fourniture du produit, l’accès au réseau (c’est-à-dire le transport et la distribution) et les taxes. Aujourd’hui, le transport et la distribution sont et vont rester en monopole (pour ne pas dupliquer les réseaux), avec des tarifs d’utilisation fixés par les pouvoirs publics qui sont identiques pour les tarifs réglementés et les offres de marché. La concurrence ne joue donc en réalité que sur la fourniture, c’est-à-dire la matière première et la commercialisation.  

En gaz, un seul opérateur est concerné par la fourniture au tarif réglementé : il s’agit d’Engie (ex  GDF), l’opérateur historique ; en électricité, le seul opérateur concerné est EDF. En réalité, il faut pour être exhaustif ajouter que les tarifs réglementés sont également proposés par des entreprises locales de distribution (ELD) sur 5% du territoire.   
Je pensais pour ma part qu’on aurait tout de suite ouvert aux concurrents la possibilité de servir le tarif réglementé de la même façon que les fournisseurs historiques. Cela aurait permis à des opérateurs alternatifs de se positionner davantage sur le marché. Mais dès lors que les alternatifs ne pouvaient vendre qu’aux prix de marché et que l’on entrait dans des phases d’augmentation des prix, alors que les tarifs réglementés avaient tendance à limiter cette augmentation, l’écart privait de chance les petits opérateurs de trouver leur place dans le marché.

Il faut cependant relever que pour le gaz, la tendance s’est inversée à partir de 2011/2012 et son prix a commencé à baisser. Les alternatifs, en achetant la matière première à bas prix, ont pu alors proposer des offres plus attractives que celles pratiquées dans le cadre des TRV.

RLC : Est-ce à dire qu’en fonction des prix de la matière première, ces TRV peuvent représenter dans les faits un avantage concurrentiel ?

J. G. : Oui, et pour être plus précis, c’est le marché qui en a fait un avantage concurrentiel. Pour le gaz cependant la situation s’est complètement inversée car ces tarifs sont devenus un handicap.

Pourquoi ? Parce que GDF/Engie a eu une obligation consistant à assurer les stocks pour garantir la permanence de l’approvisionnement du consommateur (cette obligation n’a été élargie aux autres opérateurs que depuis peu de temps).

Au moment de l’ouverture à la concurrence du marché, GDF avait des contrats de long terme qu’elle avait plutôt bien négociés et qui lui permettaient de maintenir des tarifs réglementés à un niveau peu élevé, pendant que les autres fournisseurs alternatifs achetaient plus cher sur le marché ! Or, depuis 2011/2012, le marché s’est inversé avec notamment l’arrivée sur le marché mondial des gaz de schiste beaucoup moins chers et le contrecoup de la crise économique. En tout état de cause, les prix du gaz ont considérablement baissé. Dès lors, ce qui était un handicap pour les concurrents s’est mué en avantage. L’ancien GDF était toujours tenu par ses contrats de long terme. Mais le gaz est passé de 25 à 15 euros le mégawattheure (MWh). Nous nous sommes retrouvés avec Engie qui vend aujourd’hui du tarif réglementé sur une moyenne de plus de 20 euros et les concurrents qui peuvent vendre au jour le jour ou sur des périodes de 6mois/un an du gaz à 12/15/17 euros.

L’écart est néanmoins en train de se resserrer parce qu’Engie a réussi à dénouer certains contrats, ce qui ne manque pas de préoccuper les alternatifs sur la stratégie qu’ils vont pouvoir adopter pour progresser sur le marché.

D’autant que la composition des TRV gaz est basée pour partie sur de la fourniture en contrat de long terme et pour une autre partie sur le gaz du marché. Donc si dans le tarif réglementé, la composante « gaz en contrat de long terme » a baissé pour se rapprocher des tarifs du marché, inéluctablement le tarif réglementé va se rapprocher du prix de vente du marché pratiqué par les opérateurs alternatifs. Il faut souligner que ce phénomène concerne essentiellement la partie « approvisionnement en gaz » qui vaut entre 35 et 40 % de la facture. Les autres composantes inhérentes notamment aux frais commerciaux sont plus basses pour les alternatifs que pour les opérateurs historiques, ce qui offre tout de même une marge relativement « vivable » aux plus petits concurrents.

RLC : Par qui sont fixés ces tarifs ?

J. G. : Pour l’électricité, c’est aujourd’hui la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Mais pendant longtemps, ils ont été fixés de façon unilatérale par le Gouvernement, puis le Gouvernement les a fixés en se basant sur les propositions de la CRE. Depuis 2016, c’est donc la CRE qui les fixe ; le Gouvernement peut les contester mais a posteriori. Pour le gaz naturel en revanche, la CRE ne formule qu’un avis, les ministres chargés de l’économie et de l’énergie ayant le dernier mot.

La CRE fixe les tarifs réglementés de vente pour le gaz en fonction de ce que l’on appelle la « couverture des coûts ». Pour l’électricité, le dispositif équivalent correspond à « l’empilement ».  

Je rappelle tout de même que tout ceci ne concerne plus aujourd’hui que les petits consommateurs. Car les consommateurs professionnels (ceux qui consomment plus de 30 MWh de gaz naturel par an) ne peuvent plus s’approvisionner au tarif réglementé depuis la loi Hamon.

RLC : Mais les « petits » consommateurs disposent toujours d’une alternative ?

JG : Tout à fait et d’ailleurs beaucoup ne s’en sont pas privés. Aujourd’hui il faut savoir que, pour les particuliers, 47 % du gaz est vendu au prix de marché. 53 % reste livré au tarif réglementé.

Que ce soit pour l’électricité ou le gaz, aujourd’hui, avec certaines offres, vous pouvez économiser jusqu’à presque 10% du montant total de la facture par rapport aux tarifs réglementés.

RLC : Ce qui nous amène à nous demander, dans un tel contexte où les TRV semblent encore très ancrés dans les usages des consommateurs  : comment concevoir que le Conseil d’État finisse par « capituler »? 

J. G. : Je ne suis pas sûr que l’on puisse dire que le Conseil d’État ait fini par capituler si l’on étudie les analyses de la rapporteure de la décision. La juge fait une analyse qui d’ailleurs en creux différencie considérablement les TRV du gaz et de l’électricité. La rapporteure s’appuie en particulier sur le fait que le gaz n’est pas livré partout et pas au même au prix. Elle relève enfin que ce n’est pas un bien de consommation irremplaçable. Il y a un certain nombre d’éléments qui sont évoqués pour mettre en lumière la différence avec le cas de l’électricité. Le Conseil d’État considère que, dans ces conditions, il n’y a plus lieu de justifier le maintien d’un tarif réglementé y compris en prenant Engie à son propre piège. Engie a en effet inventé des systèmes de tarification assez opaques sur l’utilisation du réseau.

L’opérateur historique en appliquant des tarifs propres à chaque commune dans un certain nombre de cas a aussi « tendu le bâton pour se faire battre ». Sur certains territoires, le gaz transite sur une commune pour desservir la commune frontalière et il est parfois plus cher dans la commune de transit que dans la commune desservie. C’est ce qu’on appelle le niveau de tarif régional (NTR). Ce dispositif pour le moins flou est très révélateur du fait que depuis toujours le système dit de péréquation a été relativement inégalitaire parce qu’il se construisait de façon assez empirique.

J’ai été moi-même interloqué quand j’ai appris que de telles pratiques avaient cours dans mon département. Il faut préciser qu’il n’existe pas d’équivalent en matière d’électricité.

Mais tout ceci est aussi lié au régime issu de la loi de 1946 qui prévoyait que le rapport bénéfice/investissement devait être favorable. En conséquence, dans l’hypothèse où le réseau est long mais que la consommation est faible, l’opérateur est contraint d’augmenter le prix afin de garantir la rentabilité du réseau. C’est ce qui génère également des écarts de prix.

En présence de l’ensemble de ces éléments, le Conseil d’État n’a pas vu d’autre solution que de conclure que les TRV du gaz ne s’inscrivent pas dans un objectif de desserte équilibrée du territoire, ni dans un service public.
Sur un plan plus procédural, le juge indique bien qu’il faudrait une nouvelle action de la part de l’ANODE puisqu’en fait le recours ne portait pas sur les TRV mais sur une augmentation des TRV. Il n’a donc annulé que le décret qui portait sur cet aspect mais les dispositions du code de l’énergie qui encadrent la fixation des tarifs réglementés, elles, demeurent. Il apparaît cependant évident à la lecture de l’argumentation qu’un nouveau recours de l’ANODE sur l’ensemble des TRV du gaz aurait toute chance d’aboutir.

Si on veut s’attaquer aux tarifs réglementés de l’électricité, il faudra trouver d’autres arguments car l’électricité reste un bien de première nécessité.

RLC : Vous faites figure de résistant dans le débat à l’œuvre autour du sujet. Pourquoi plaidez-vous dans votre dernier rapport d’activité pour le maintien des TRV ?

J. G. : Nous sommes dans une conjoncture où le prix du gaz est plutôt à la baisse donc il n’y pas de risque à aller s’approvisionner au prix du marché mais nous ne sommes pas à l’abri d’une flambée des prix. Et quid à ce moment-là de la possibilité pour les consommateurs de suivre ? Parce que le système des tarifs réglementés correspond à une forme de stabilisateur sur une période plus ou moins longue. Le jour où il n’y aura plus de tarifs réglementés - et c’est dans les desseins de Bruxelles - si vous êtes tributaires d’une tarification au jour le jour, ce ne sera pas problématique pour les gros revenus mais pour les ménages les plus précaires, la fluctuation peut être insupportable.

Mais j’ai pris acte de la décision du Conseil d’État. Ce qu’il nous faudrait a minima c’est un système de panier, un indicateur de référence pour que les gens sachent où est le bon prix. Ce qui est extraordinaire c’est que la majorité des vendeurs de gaz alternatifs proposent des offres indexées sur les tarifs réglementés. Si les TRV disparaissent, il faudra aussi qu’ils changent leur méthode.

Les britanniques dans le cadre du Brexit sont en train de plancher sur un tarif maximum de vente de l’énergie. Parce qu’ils se sont rendus compte que le marché était tellement décrié et qu’ils ne savaient plus où étaient les vrais prix.

La crainte que nous nourrissons, c’est que cette nouvelle configuration ne sera pas forcément favorable à la confiance dans le marché. Cela risque au contraire de semer le doute.

Si nous voulons que le marché fonctionne, il ne faut pas que la fin des tarifs réglementés entraîne une « jungle tarifaire » et donc de mon point de vue une des solutions est de proposer un tarif de référence qui tienne compte de l’état du marché et des charges de réseau.

RLC : Quelle autorité aurait compétence pour fixer ce tarif de référence ?

J. G. : Ce serait la CRE qui serait à même de l’évaluer, en observant le marché et la construction des prix chez les opérateurs privés et publics.

RLC : Votre posture se trouve diamétralement opposée à celle de l’Autorité de la concurrence qui s’est clairement rangée dans le camp des opposants aux TRV en déclarant dans son avis du 25 mars 2013 « qu’une réglementation des prix est souvent facteur d’augmentation des prix payés par les consommateurs ». Comment expliquez-vous la position de l’autorité ?

J. G. : Je pense exactement le contraire. On a bien vu que tous les opérateurs alternatifs ont essayé de se placer en dessous du prix qui était réglementé.

L’Autorité de la concurrence était dans son rôle de protection de la concurrence mais je voudrais lui poser la question : comment expliquer que dans les faits, la concurrence ne s’est pas développée alors que tous les concurrents pratiquent des prix qui sont inférieurs aux tarifs réglementés ? Quels sont les mécanismes sous-jacents à une telle conjoncture ?

Je pense qu’il y a des mécanismes objectifs. Par exemple, la confusion qui règne entre les filiales des grands groupes historiques de l’énergie et leurs maisons mères qui continuent d’exister en est un, surtout dans le cas d’EDF.

Il aurait fallu aller au bout du démantèlement. Je ne cache pas qu’à titre personnel, et c’est ce pourquoi j’ai plaidé en vain quand j’étais parlementaire, j’aurais souhaité qu’Enedis qui est la filiale la plus vue par le consommateur d’EDF, soit complètement indépendante d’EDF et qu’elle n’ait aucun capitaux d’EDF. Là, l’Autorité de la concurrence aurait été légitime à pointer une situation qui pouvait nuire à la concurrence. Il aurait fallu qu’Enedis soit une société publique complètement indépendante avec des capitaux issus pourquoi pas de l’État et des collectivités territoriales.

La situation d’Engie est un peu différente : elle détient 100 % de sa filiale GRDF, mais nous sommes en présence de capitaux privés qu’il faudrait racheter. Or, dans le cas d’Enedis, il n’y a quasiment pas de capitaux privés. Mais on peut concevoir qu’EDF s’accroche à sa filiale Enedis car c’est un centre de profit très important.

RLC : Est-ce que vous êtes en train de suggérer que nous sommes dans des situations de privatisation déguisée ?

J. G. : Non, on ne peut pas aller jusque-là mais en tout état de cause, ce qui est extraordinaire, c’est que vous avez une société en monopole qui est une filiale d’une société commerciale pour les deux cas.

Il faut savoir qu’aujourd’hui, Enedis est le meilleur centre de profit d’EDF, et donc si Enedis ne renvoyait pas tous les ans plusieurs centaines de millions de dividendes à EDF, les coûts de distribution seraient un peu plus bas.

RLC : À l’heure où la disparition prochaine des TRV du gaz semble désormais inéluctable, comment préparer au mieux les opérateurs et consommateurs à ce tournant majeur ?  La « régulation par la data » transposée à l’énergie pourrait-elle contribuer à rendre le marché plus intelligible ?

J. G. : Cela existe déjà. Nous avons sur notre site Energie-Info un comparateur d’offres qui a passé la barre des 600 000 visites l’année dernière. C’est le seul comparateur indépendant.

Mais la difficulté sera de comparer chaque offre. Car les offres vont être amenées à se diversifier au rythme des changements des systèmes de production et de consommation. Prenons l’exemple des nouvelles offres vertes dites « week-end » proposées par Engie ou EDF. Chez le médiateur, nous nous préparons donc à faire des comparaisons par profil de consommation.

Il va par ailleurs falloir redoubler de pédagogie et de transparence dans l’accompagnement des particuliers quand on sait comment a été vécue au 1er janvier 2015 pour le gaz et au 1er janvier 2016 pour l’électricité la fin des tarifs réglementés pour les professionnels. En gaz, au bout de 6 mois, un quart des consommateurs concernés n’avaient toujours pas fait la démarche de basculer sur de nouveaux contrats aux prix du marché. Un système d’offre transitoire à prix majoré a été mis en place, mais cela n’a pas suffi. La CRE a donc fait un appel d’offre de gaz pour livrer ces entreprises. Pour les étapes à venir, ce sera d’autant moins évident que l’image des opérateurs historiques est encore extrêmement bonne dans les enquêtes d’opinion, qu’il s’agisse d’EDF ou d’Engie.

Nous devrons encourager les consommateurs à être plus acteurs et à s’approprier les clés de compréhension du marché. En effet, au-delà de notre mission de médiation, le législateur nous a donné comme responsabilité d’aider les consommateurs à avoir une meilleure connaissance du marché de l’énergie. Il faudra donc les inciter à anticiper la fin des tarifs réglementés de gaz, qui peut survenir d’ici 4 à 5 ans et qui est en tout état de cause aujourd’hui inéluctable.

Les opérateurs quant à eux devront d’autant plus anticiper cela qu’un très grand nombre de consommateurs sont concernés. Rendez-vous compte que cela implique 5 millions de sites pour le gaz (30 millions pour l’électricité). Ce sera ingérable si l’on ne se donne pas du temps ! Mais pour l'électricité, d’après les dires de Mme Schwarz, nous ne pouvons pas envisager une sortie des tarifs réglementés sur une période d’au moins 5 à 7 ans.

On peut considérer que l’abandon des TRV sur le gaz est un galop utile si l’on veut se préparer également à la fin des TRV d’électricité. Je reste cependant persuadé que ce n’est pas une mesure souhaitable, car gardons à l’esprit que quand Margaret Thatcher a mis fin aux TRV de l’énergie en Angleterre, cela s’est fait dans le chaos. 

Pour ma part, j’ai toujours été très légaliste, et si demain les tarifs réglementés venaient à disparaître, l’institution du médiateur que je représente assumera pleinement sa mission d’accompagnateur du secteur et son rôle sera de dédramatiser la situation et d’éviter que cela soit vécu de façon anxiogène.

Mais d’un point de vue plus personnel, je ne pense pas encore une fois que ce soit les tarifs réglementés qui aient nui au développement de la concurrence.

RLC : Et quid de la pérennité des TRV d’électricité à l’aune des critères Federutility et ANODE ?

J. G. : En tout état de cause, l’argumentation du Conseil d’État n’est pas transposable à l’électricité où vous avez un droit au raccordement au réseau de distribution publique, parce que vous êtes en présence d’un bien reconnu par la loi comme étant un bien de première nécessité, alors que le gaz est totalement substituable.

Ce qui serait source de trouble pour l’électricité, c’est la fameuse ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) c’est-à-dire que les opérateurs d’électricité alternatifs ont obtenu en 2010 la possibilité quand les prix flambent sur le marché de revenir acheter de l’électricité nucléaire à EDF à 42 € le MWh. C’est là aussi un système qui ne pourra pas tenir en cas de libéralisation car c’est là un avantage conséquent.

S’agissant du critère tenant à l’objectif de cohésion territoriale, il faut savoir que la péréquation ne pourra plus exister que sur le coût du réseau, c’est-à-dire les infrastructures et pas sur le coût de la molécule, l’électron, qui sera libre.
 

 
Source : Actualités du droit